L'édito
Dans nos sociétés contemporaines, l’instrumentalisation politique du religieux se traduit principalement par deux formes opposées : celle des « religions civiles » (Rousseau) qui visent une adhésion la plus large possible, notamment aux États-Unis et dans les pays d’Europe, et celle des néocommunautarismes qui marquent leur différence à l’égard du monde extérieur tout en entretenant des liens ambigus avec la modernité. Jusque dans les années 1970, la plupart des observateurs considéraient que la religion et la modernité étaient incompatibles, la première étant vouée à la disparition. Dans un monde jusque-là profondément sécularisé s’est produit une effervescence religieuse s’accompagnant de nouvelles formes de religiosité (revivalismes à partir des années 1970). Avec la certitude de la « mort de dieu », de la fin de tout sentiment religieux, a brutalement émergé la « revanche de dieu » (Gilles Kepel). Le mythe du progrès a ébranlé la modernité indissolublement liée à la notion de laïcité, en crise depuis plusieurs décennies. Face aux structures sociales, la tradition est réaffirmée tandis que les fondamentalismes et les intégrismes déploient des stratégies de diffusion et de pouvoir, utilisant les conquêtes de la modernité — démocratie, médias, technologies — pour les retourner contre elle. Assistons-nous à La désécularisation du monde (Peter Berger) ?