SEGESTE / ERICE
- Temple dorique de Ségeste et son théâtre
- Accroché au rocher, le théâtre de Ségeste s’ouvre sur une spectaculaire perspective. On y donnait des représentations tirées de ce vieux fond archaïque de l’inconscient provoquant une catharsis apte à rendre possible une vie collective. Le temple de Ségeste révèle toute la singularité de la population élymes grécisée, mais suffisamment fière de sa différence pour laisser une construction envoûtante, mystérieuse et pleinement sicéliote.
- Erice, village médiéval fortifié perché sur un éperon rocheux à 750m d’altitude face à la baie de Trapani
- Si les cyclopes, le dieu Héphaïstos, Héraclès et Dédale sont passés à Erice, finalement, c’est Astarté-Vénus qui y occupe les lieux. Si la sibylle locale est enterrée à Lilybée, c’est à Ségeste qu’on trouve le tombeau d’Anchise. Virgile y situe les Livres II et V de l’Enéide.
- A Mazara del Vallo, l’extase d’un satyre dansant !
SELINONTE / AGRIGENTE
- Parc archéologique de Sélinonte et Musée archéologique d’Agrigente
- À Sélinonte et à Agrigente, la mégalomanie a poussé les Grecs à construire des temples démesurés. On y soupçonne un syndrome de la tour de Babel, une pulsion, sinon une pathologie intérieure qui pousse l’homme grec à l’hybris. On peut aussi y voir une mégalomanie conceptuelle ou seulement technique : « Regardez ce dont je suis capable ! » ; mais cette imprécation semble toujours s’adresser aux dieux. Le temple de la Concorde d’Agrigente marque ce moment si bien résumé par Ernest Renan : « Trouver l’idéal et quand on l’a trouvé s’y tenir ». Il incarne le grand classicisme des années 450-430. Le sanctuaire des divinités chtoniennes d’Agrigente, avec ses naïskos et ses bothros, avec ses autels archaïques et ses temples imbriqués, nous rappelle que la religion est avant tout une orthopraxie.
AGRIGENTE / PIAZZA ARMERINA
- Vallée des Temples d’Agrigente
- A propos du temple de Zeus olympien à Agrigente
- Villa du Casale à Piazza Armerina
- A propos de la villa du Casale
- Que tu sois le sénateur Proculus Populonius, gouverneur de Sicile, ou un autre, ta villa n’est qu’un trou paumé. Certes, tes mosaïques sont belles : elles montrent une grande diversité de thèmes révélant ta culture que tu devais orgueilleusement étaler. Mais il n’en reste pas moins qu’elles accusent aussi une décadence, tout autant technique que stylistique, et qu’aucune d’entre elles n’égale Sosos de Pergame. Il est vrai qu’elles ont été conçues à un moment charnière de notre histoire, celui d’un christianisme toléré, c’est-à-dire un profond changement de mentalité et de piété. L’ensemble décoratif que tu présentes semble être un dernier tour d’honneur de la culture classique qui bientôt va s’éteindre. Pour cela, nous te remercions infiniment.
RAGUSE / MODICA / NOTO
- Journée consacrée au baroque tardif sicilien
- Le baroque tardif sicilien s’est épanoui à Ragusa, à Modica et à Noto à partir de 1720 consécutivement à l’éruption de l’Etna en 1669, à la rébellion des habitants de Messine en 1674, et au séisme de 1693, autant de bouleversements qui désorganisaient la région. Cet art est celui des Scalpelini, un baroque théâtralisé où les façades sont dramatisées dans des perspectives étourdissantes provoquées par les escaliers vertigineux. En cela, ce décor préromantique s’imprègne d’un pathos à la manière des peintures de Magnasco et des gravures de Piranèse, à quoi s’ajouterait encore un goût pour les masques dérisoires, comme des caricatures à la Hogarth.
SYRACUSE
- Musée archéologique de Syracuse
- L’île d’Ortygie et la fontaine d’Aréthuse ; temple dorique d’Athéna devenu le Duomo
- Le théâtre grec ; les latomies ; l’amphithéâtre romain
- Syracuse est née en 735-34 avant notre ère. On y trouve un temple d’Apollon, sans doute le plus vieux temple dorique de Sicile. Son théâtre du 5e siècle avant notre ère a reçu Eschyle, qui y a donné les Etnéennes. Syracuse, Athènes de la Sicile, perle de l’Occident disait Cicéron, marque l’âge d’or de la Sicile antique à l’époque où Platon et Archimède y étaient invités par ses tyrans. La poliorcétique très avancée s’illustre par l’enceinte qui entoure le plateau d’Epipoles et que ferme, comme un verrou, le château de l’Euryale. Enfin, roi de Syracuse, Hiéron II qui régna plus de 50 ans à partir de -269, y bâtit un autel monumental.
CATANE/ TAORMINE
- A Catane : la piazza del Duomo ; la fontaine de l’éléphant
- Catane se résume à la place du Duomo et à la via Crocifisso, ou la concentration des ordres religieux et des églises aux façades présomptueuses et au style baroque resservi, affiche la prétention de l’Eglise. Sinon que les faits se retournent contre eux-mêmes et sonnent l’impérieuse nécessité de sauvegarder nos fragiles valeurs républicaines. Grande est la tentation des religieux de nous imposer par leurs constructions grandiloquentes un régime théocratique. Ce qui, sur un plan scénographique, n’enlève rien à Vaccarini, son metteur en scène. Mais quand même, de ton Castello Ursino, cher Frédéric II, toi l’irréligieux, tu dois verser quelques larmes !
- Le théâtre gréco-romain de Taormina
- Taormine se résume à ce qu’en a dit Maupassant : c’est un paysage avec tout ce que peut contenir ce mot. Il aurait mieux valu, cependant, le découvrir du temps de l’écrivain, ce qui nous aurait épargné les restaurations contestables de son théâtre, mis à la mode du moment, et l’affluence touristique. Tourisme, mode, marchands du temple, futilité ne font qu’un.
MESSINE
- La Cathédrale de Messine
- Le musée régional de Messine (Polyptyque de Saint-Grégoire d’Antonello da Messina ; la Résurrection de Lazare et l’Adoration des Bergers de Caravaggio)
- Messine, 1908, la désolation. Daté de 1473, le Polyptique de Saint Grégoire d’Antonello da Messina s’élève au niveau des plus grandes peintures du Quattrocento. L’artiste sicilien réalise la synthèse audacieuse de la peinture flamande – son approche analytique de la réalité –, de la poésie provençale qui lui vient du Valençois Jacomart Baço, et surtout de Piero della Francesca qui lui donne la rigueur des volumes dans l’espace. À Messine rien, sinon deux Caravage [rien que ça !], une Résurrection de Lazare, ce dernier tiré hors du sépulcre par quelques forces mystérieuses : un corps se dresse mis en lumière dans une redoutable composition qui oppose le vide supérieur à l’agitation d’en bas. A cet ensemble peu commun, le Christ, à gauche, vient en pilier équilibrer le tableau, tout enveloppé d’une ombre qui contraste avec un Lazare lumineux, bien que teinté d’une carnation encore un peu verdâtre. L’Adoration des bergers du peintre révolutionnaire donne à voir une émouvante mère pleine de lassitude, son enfant dans les bras, visitée par des gens simples et étonnés dont les traits du visage, saisis dans un contrapposto puissant, expriment l’émotion et donnent le sentiment d’approcher le mystère de l’Incarnation. Caravage nous propose une traduction populaire de l’histoire sacrée relevée par une maigre nature morte et l’image d’un âne à l’allure incongrue.
CEFALU/ SOLUNTO
- A Cefalù, la cathédrale normande du XIIème siècle
- Cefalù. Fierté de son roi, légat du pape, Roger II fait appel aux mosaïstes byzantins pour décorer une église latine où il est assis au nord à l’entrée du sanctuaire contemplant les saints chevaliers de la travée opposée. Sa position le met face à l’évêque qui, quant à lui, admire le spectacle des saints évêques. Rivalité et ambition.
- Le site archéologique de Solunto et de son antiquarium
- Solonte. Ville hellénistique qui conserve les traces de la présence phénicienne et des sanctuaires en l’honneur de Baal et de Tanit. Son urbanisme hippodaméen domine une perspective vertigineuse sur la côte septentrionale de la Sicile. Autant dire une ville d’un très haut intérêt archéologique, sous les herbes, à l’abandon ou presque.
PALERME / MONREALE
- Le Palais royal et la chapelle palatine de style arabo-normand (voûtes romanes ; plafond arabe ; mosaïques byzantines dont le Christ Pantocrator).
- La cathédrale de Palerme ; les « Quattro Canti »
- La cathédrale normande de Monreale et son cloître
- Guillaume 1er n’était pas aussi mauvais qu’on le dit. Il a juste pris l’argent des riches pour plus d’équité. Guillaume II, son fils n’était pas aussi bon qu’on le dit. Il a juste récupéré le magot que son père avait accumulé aux dépens de l’aristocratie, puis il a imaginé une histoire, un songe au cours duquel Marie lui serait apparue pour lui indiquer la présence d’un trésor avec lequel il se mit à construire l’extraordinaire cathédrale de Monreale, dont l’intérieur se couvre de mosaïques sur une surface incalculable, presque indécente.
- L’Eglise est très satisfaite et Guillaume II devient le bon ou le truand. Le méchant c’est l’évêque. Mais le roi, légat du pape, l’a remis à sa place. En effet, dans la cathédrale, à l’entrée du chœur, le trône du roi placé au nord se trouve plus haut que celui de l’évêque placé au sud. Si, de son point de vue, le roi se contemple magnifié sur la mosaïque le représentant, au-dessus de la tête de l’évêque, offrant l’église à la Vierge à l’Enfant, par contre de son côté, en face du roi, l’évêque ne peut que voir au-dessus du chef royal, l’image en mosaïque du légat du pape, son supérieur, debout devant le Christ en majesté lui posant une couronne sur la tête, véritable oint de Dieu.
PALERME
- Le palais arabo-normand de la Zisa
- Le palais Abatellis qui abrite la galerie régionale de Sicile (l’Annonciation d’Antonello da Messina ; la fresque du Triomphe de la Mort)
- Le couvent des Capucins dont les catacombes abritent les dépouilles de Palermitains morts entre le XVIIe et le XIXe siècles
- Tout, finalement, n’est qu’une question de perspective. Dans le vaste palais Royal de Palerme où la chapelle de Roger II mettait déjà en place cette propagande autour du titre du légat pontifical, se trouve une salle aulique couverte d’un décor de mosaïque irréligieux conçu du temps de Guillaume le Bon – quelle ironie ! Ce décor exalte, entre autres, les plaisirs de la chasse. Plus tard, Frédéric de Souabe, si versé dans l’art de la fauconnerie, s’y trouvera à son aise, lui l’empereur excommunié deux fois ! Stupor Mundi !
Ces grands seigneurs, bons ou mauvais, un peu des deux ou ni l’un ni l’autre, adoptaient en Sicile les mœurs arabes et en jouissaient confortablement dans leur palais de la Ziza.
- Tout, finalement, n’est qu’une question de perspective. Dans le vaste palais Royal de Palerme où la chapelle de Roger II mettait déjà en place cette propagande autour du titre du légat pontifical, se trouve une salle aulique couverte d’un décor de mosaïque irréligieux conçu du temps de Guillaume le Bon – quelle ironie ! Ce décor exalte, entre autres, les plaisirs de la chasse. Plus tard, Frédéric de Souabe, si versé dans l’art de la fauconnerie, s’y trouvera à son aise, lui l’empereur excommunié deux fois ! Stupor Mundi !