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Association pour la Connaissance de la Culture Historique Littéraire & Artistique


L'association

Trésors artistiques de la Bourgogne : du cratère de Vix au Puits de Moïse

Du dimanche 08 septembre 2024 au vendredi 13 septembre 2024

  • Organisateur : Ass. Université du Temps Libre de Libourne

dimanche 8 septembre

  • La cathédrale dite « Vieux Saint-Vincent » de Mâcon, dont les ruines de la partie occidentale avec ses tours décorées de lézènes signalent le premier âge roman de la première moitié du XIème siècle.

lundi 9 septembre

  • La chapelle du château des Moines de Berzé-la-Ville et son décor peint au XIIème siècle, marqué par un style byzantino-latin et dont l’iconographie illustrant la traditio legis exalte les relations entretenues pas les clunisiens et la papauté.
  • L’abbatiale bénédictine de Cluny et son musée archéologique, l’incontournable site qui permet de prendre la mesure de la puissance des clunisiens et de ses abbés, Maïeul (954-994), Odilon (994-1049), Hugues de Semur (1049-1109) maître d’ouvrage de Cluny III.
  • L’abbaye Saint-Philibert de Tournus, chef-d’œuvre qui nous est parvenu presque intact du premier âge roman

mardi 10 septembre

  • La cathédrale Saint-Lazare d’Autun et les œuvres sculptées par Gislebertus autour de 1130.
  • Quelques chefs-d’œuvre du musée Rolin exposés temporairement au musée d’Histoire naturelle de la ville d’Autun, dont la fameuse « Ève » du même sculpteur roman.
  • La ruine monumentale du temple dit de « Janus » du quartier de la Genetoye, à Autun.
  • Les Hospices de Beaune et son polyptique du Jugement dernier par Rogier van der Weyden (v. 1440-50).
  • La collégiale Notre-Dame de Beaune, dont l’architecture intérieure s’inspire de la cathédrale d’Autun (XIIème siècle) et qui conserve une exceptionnelle tenture de la Vie de Marie réalisée au cours du dernier quart du XVème siècle

mercredi 11 septembre

  • La cathédrale Saint-Bénigne de Dijon (l’église de l’an Mil !) et la crypte de la fameuse rotonde de Guillaume de Volpiano (961-1031), abbé qui incarne la réforme monastique.
  • Le musée archéologique de Dijon et son fameux tympan de la Cène (milieu du XIIème siècle) du réfectoire de l’abbatiale de Saint-Bénigne de Dijon.
  • La Chartreuse de Champmol, le portail de sa chapelle et le « Puits de Moïse » par Claus Sluter (env. 1350-1406).
  • Le Musée des Beaux-Arts au palais des ducs et des Etats de Bourgogne, où est présenté, entre autres, le tombeau du duc Philippe le Hardi (1364-1404) par Claus Sluter et son neveu Claus de Werve.

jeudi 12 septembre

  • Le trésor de Vix au musée du Pays Châtillonnais à Châtillon-sur-Seine et son exceptionnel cratère en bronze (v. 530 avant notre ère), retrouvé dans la tombe princière de la « Dame de Vix » (v. 470 avant notre ère).
  • La basilique de l’abbaye clunisienne de La Madeleine de Vézelay et son bourg monastique.

La Bourgogne monumentale

Bien sûr on nous avait parlé du cratère de Vix. Bien sûr on savait. Bien sûr qu’il a été pour nous un choc quand on l’a eu sous les yeux. Quel monument ! N’a-t-on jamais vu pareille chose ? Pourtant, l’objet impose plus que du monumental. Il nous rappelle le poids de la civilisation antique disparue. C’est comme un souvenir qui rejaillit : oui ! je me souviens de l’Antiquité.

Un choc ! Celui de la culture grecque qui, en Grande-Grèce, entrait en contact avec les Etrusques qui en étaient fascinés au point de s’en gréciser. Et cette aristocratie gauloise du mont Lassois d’accepter comme cadeau un cratère donné par les Grecs de Marseille. Chère Dame de Vix, comme tu as dû être ligoté par le pouvoir ensorceleur de ce cratère pour le vouloir dans ta tombe et t’imaginer goûter avec, parée d’un torque d’or, tous les plaisirs de la table dans un au-delà paradisiaque. Que donnais-tu en échange ?

Bien sûr on nous avait parlé de la monumentalité des temples antiques. Bien sûr on savait ! Bien sûr que la ruine du temple de Janus du quartier de la Genetoye d’Augustodonum – l’antique Autun – a été un choc visuel. C’est se dire que les plus grandes civilisations sont mortelles. C’est se dire aussi que sur leurs décombres naissent de nouvelles civilisations.

L’impact visuel de ces choses du passé, même ruinées, est si fort qu’il nous transporte dans un imaginaire monumental. Or, c’était bien la perspective de l’abbé Hugues de Semur lorsque ce dernier lançait le chantier de la troisième église de Cluny pour en faire une seconde Rome, un substitut du Saint-Pierre constantinien. Le résultat a été monumental et le décor antiquisant, tout comme à la Madeleine de Vézelay et à la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, toutes deux parées de pilastres cannelés, cette dernière gardant en son sein le splendide mausolée du moine Martin « merveilleux dans l’art des pierres », s’élevant à la hauteur des plus beaux ouvrages d’art de l’Antiquité.

Venu d’Italie, Guillaume de Volpiano (961-1031), le grand réformateur formé à Cluny, abbé de saint-Bénigne de Dijon, faisait construire à l’est de son église une rotonde à l’image de celle du Panthéon de Rome. Quel monument ! Bien sûr, elle n’en avait pas la dimension. Bien sûr que son objectif était autre : présenter Bénigne, le martyr local de Diviomagus – l’antique Dijon –, à la contemplation des fidèles qui auraient ainsi pu se projeter dans une image de l’Anastasis du Saint-Sépulcre de Jérusalem afin d’éprouver le mystère de la résurrection. D’où, la conception insolite d’une rotonde au cœur octogonal enveloppé de deux couloirs annulaires et se projetant sur trois niveaux.

Finalement, que faisiez-vous Réformateurs de l’An Mil ? A la faveur d’une structure féodale naissante vous transformiez la société et créiez une civilisation chrétienne peuplée de gens que vous lanciez sur les routes de pèlerinage. Vous visiez l’établissement de l’Eglise universelle, une idée chère au grand abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, auteur vraisemblable du programme iconographique du portail de l’avant-nef de la basilique clunisienne de la Madeleine de Vézelay. On y voit le Christ envoyant ses Apôtres apporter la Bonne Nouvelle à tous les peuples de la terre, jusqu’aux Cynocéphales d’Inde ! Le tympan du portail nord de l’avant-nef nous montre les pèlerins d’Emmaüs qui reconnaissent ce Christ et partent à leur tour annoncer l’Evangile qui, ce dernier, se résume en l’Incarnation de Dieu (portail sud) et sa résurrection.

Après la désagrégation de l’empire carolingien, consécutivement au Traité de Verdun (843), et malgré les troubles provoqués par les invasions hongroises, normandes et sarrasines, une société nouvelle se met en place à la faveur des réformes religieuses et du grand mouvement de la paix et de la trêve de Dieu. L’ancien a donné du neuf. Une civilisation a émergé sur les vestiges du passé. Il y a un formidable chapiteau figuratif à la Madeleine de Vézelay qui se présente comme l’allégorie de ces transformations. Traditionnellement nommé le « Moulin mystique », il donne à voir Moïse qui apporte le grain de l’ancienne Alliance pour le moudre dans le moulin christique. Saint Paul en récolte la farine, celle de l’Alliance nouvelle qui permettra de pétrir le pain eucharistique. Marqué d’une croix, presque un chrisme, le moulin est à la fois le broyeur et le broyé, symbole du Dieu incarné qui, par sa mort et sa résurrection, efface l’ancien, le péché, et signale l’avènement d’une nouvelle ère, si bien matérialisée par la civilisation médiévale.

Cette dernière disparaîtra à son tour, et si un équilibre a pu exister, notamment entre la foi et la raison, comme l’exprime si bien le thomisme au XIIIème siècle, des événements tels que la guerre, la famine, les épidémies, la corruption dans l’Eglise, mettront fin à cette civilisation.

Bien sûr on nous avait parlé du « puits de Moïse » à Dijon. Bien sûr on savait. Bien sûr qu’il a été pour nous un choc quand on l’a eu sous les yeux. Quel monument ! N’a-t-on jamais vu pareille chose ? D’autant qu’il s’agissait à l’origine d’une croix monumentale, un calvaire dont il ne reste presque plus rien. Par contre, accompagnant Moïse cornu à la double barbe, David, Isaïe, Jérémie, Zacharie, et Daniel sont bien conservés, certains toujours habillés de leurs couleurs. De même, les anges « deuillants » marqués par la douleur, coiffant aux écoinçons les grandes figures prophétiques. L’eau revivifiante du puits dans lequel baignent ces dernières est un symbole fort de régénérescence. L’auteur de ce chef-d’œuvre, Claus Sluter, sculpteur hollandais devenu après Jean de Marville l’Ymagier du duc Philippe le Hardi, se détachait de la préciosité maniérée des œuvres du gothique international et révolutionnait son temps en orientant l’art vers plus de réalisme, exaltant l’individualité du duc et de son épouse, Marguerite de Flandre, sur le portail de la chapelle de la chartreuse de Champmol, où se dresse justement le « puits de Moïse ». L’étude psychologique qu’il fait des prophètes sidère d’autant plus qu’elle se situe chronologiquement avant celle menée par les peintres « primitifs flamands ». Le duc mourrait en 1404, et son imagier se retirait dans l’abbaye de Saint-Etienne de Dijon. Deux ans avant sa mort en 1406, Claus Sluter s’engageait pourtant envers Jean sans Peur à réaliser le tombeau de Philippe le Hardi qui sera terminé par son neveu Claus de Werve. La tristesse des « pleurants » est très émouvante. Le style, évocateur des mentalités de l’époque, joue sur des effets expressifs et semble témoigner des dérèglements d’une société parvenue à son terme. Une foi exacerbée l’a emporté sur la raison.

Bien sûr on nous avait parlé du polyptyque du Jugement dernier de Beaune peint par l’un des plus grands peintres « primitifs flamands », Rogier Van der Weyden. Bien sûr on savait. Bien sûr qu’il a été pour nous un choc quand on l’a eu sous les yeux. Quel monument… Commandé autour de 1440 par le chancelier bourguignon Nicolas Rolin pour être le retable de la chapelle de la « grande salle des pauvres » de l’Hôtel-Dieu de Beaune, il étonne par sa monumentalité. Au centre, sous l’impressionnant Christ du dies irae, la majestueuse figure de saint Michel pesant les âmes fixe un axe de partage entre les élus et les damnés. Seulement, le plateau de la balance à la gauche de l’archange de l’économie de la fin des temps entraîne inéluctablement notre regard en direction des âmes damnées, à droite. Ces petites figures nues, Peccata, sont horrifiées et hurlent de terreur devant les visions infernales. Elles nous transmettent une peur et une interrogation à propos de notre propre devenir. La question individuelle de la mort et de notre salut se pose ici en des termes si excessifs qu’il faudra l’avènement d’un humanisme salutaire pour y répondre.

Une nouvelle société naîtra, moderne, qui parviendra elle aussi, un jour, à son terme.

O. Oberson, 13 septembre 2024

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  • Auteur des photographies : Olivier OBERSON

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